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Le blog de Bernard Collot
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28 octobre 2021

1940-2021 (16) - La vannerie

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1940-1950

L'osier, les bohémiens

Les paniers, corbeilles et autres étaient les contenants indispensables dans les fermes et maisons à la campagne. Dans chaque bout de vignes, dans les haies, il y avait des osiers, variété de saules taillés en têtards. Pendant l’hiver les rameaux de l’année d’un magnifique jaune doré étaient coupés, mis en botte à tremper dans un bassin pour qu’ils conservent leur souplesse. Ils servaient de liens pour attacher les sarments de vigne, ligoter des fagots et surtout à tresser les paniers les jours de pluie ou les soirées d’hiver.

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J’ai passé des heures à regarder surgir un panier des mains du grand-père. À chaque étape du tressage, de la torche de base, à la croisée du fond, à la cage, au tressage des bords, il aurait pu s’arrêter tant les brins créaient au fur et à mesure des figures et des volumes élégants. Il me faisait parfois fendre les brins trop épais. Lui le faisait avec le pouce : au couteau il fendait en trois ou quatre la pointe du brin, puis son pouce s’enfonçait dans la tige en séparant les éclisses qui semblaient gicler des mains d’un magicien en rajoutant du blanc au doré de leur robe.

 

osier3Pour moi il me donnait un fendoir, un morceau de buis dont l’extrémité était partagée à la lime en trois rosier4ainures. Lorsque je suis devenu instituteur, il m’arrivait d’apporter une brassée de tiges d’osier avec un fendoir aux enfants, pour le plaisir qu’ils en fassent surgir des brins qu’ils pouvaient ensuite courber, agencer, rassembler au gré de leur inspiration, en faire des bouquets bicolores. Et puis c’était encore une odeur qu’on n’oublie pas. Notre monde était aussi un monde d’odeurs, de foin, de bois, de buis, d’étables, de vendanges, de moissons, de soupe,… et même de craie ou du grésil qui était utilisé pour nettoyer les planchers des écoles. Nous savions que le printemps arrivait rien que par l’odeur que dégageait alors la terre de par le petit monde invisible qui l’habitait et se réveillait.

 

 

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Dans les villages, pour ceux qui n’étaient pas paysans ou ne savaient pas faire, la vannerie c’étaient les bohémiens. Nous ignorions qu’ils venaient de Bohème et que celle-ci avait été un pays. Ils étaient un autre monde qui ne se mélangeait pas avec le nôtre et avec lequel nous ne nous mélangions pas, nous nous méfions les uns des autres, les vols de poules leur étaient facilement attribués et, pensez-donc, ils mangeaient des hérissons ! Mais ils faisaient partie du paysage et quand ils passaient et installaient leurs roulottes aux abords du village, c’était un modus vivendi qui permettait qu’ils soient naturellement tolérés. C’étaient les femmes et les enfants qui passaient de maisons en maisons offrir leurs paniers.

Lorsque j’ai été instituteur dans la Vienne (futurs épisodes des années 75-95), le stationnement réservé aux nomades était à 50 m de l’école, c’étaient les mêmes familles qui s’y arrêtaient chaque année. Avec les enfants du village nous avions établi des relations très cordiales avec eux et leurs propres enfants qui venaient à l’école. Bien sûr ils passaient encore dans les maisons avec leurs paniers. Un soir où une famille m’avait invité autour de leur feu, l’homme m’a expliqué ce qu’était devenue la vannerie gitane. Autrefois ils récoltaient leur provision d’osier dans les haies au bord des chemins, des rivières où les saules étaient courant. Mais depuis des années les haies disparaissaient et les saules avec. Il fallait donc qu’ils achètent l’osier aux oseraies de l’Indre. Achat de l’osier, conservation de l’osier, préparation de l’osier, travail de l’osier… le prix de revient était bien supérieur au prix de vente possible. Si bien qu’il était bien plus rentable pour eux d’acheter paniers et vanneries en Thaïlande et de les revendre comme si c’étaient eux qui les avaient fabriqués. Tout le monde était content ! On n’arrête pas le progrès !

Partout où s’arrêtaient les familles nomades il fallait qu’elles emmènent leurs enfants à l’école et fassent signer un carnet attestant qu’ils y avaient bien été pour toucher les allocations familiales1. L’arrivée d’une bande d’enfants pour quelques jours à peine embarrassait les enseignants et le carnet était bien souvent signé dès le premier jour par le directeur et l’école ne revoyait plus les trublions. La scolarité de ces enfants était en général dans un fond de classe à dessiner une énième fois leur roulotte ou leur caravane. S’ils avaient du mal à savoir lire et pour cause, par contre ils calculaient fort bien et ce n’était pas l’école qui le leur avait appris.

Prochain épisode : épilogue des années 40. - épisodes précédents

1Depuis 1907 les nomades avaient aussi un carnet anthropométrique devenu en 1969 carnet de circulation que contrôlaient les gendarmes à chacune de leur arrivée dans un lieu. Ce contrôle n’a été supprimé qu'en 2017 !

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