les parents : coupables !

 Il fallait s’y attendre : ce sont bien sûr les parents des jeunes émeutiers qui sont responsables, que dis-je, qui sont coupables et qui pourront être trainés en justice, condamnés à payer, voire à être emprisonnés, c’est même déjà dans la loi. Ils n’éduqueraient pas leurs enfants.

Les plus cyniques à proférer cela sont en partie ceux-là mêmes dont les propres enfants ont défrayé la chronique judiciaire comme le ministre de la justice lui-même dont assez récemment le fils a été mis en garde à vue pour soupçons de violences conjugales ! Absolument personne ne l’a accusé de défaut d’éducation, pas plus que tous les autres. Pourtant, tous avaient, eux, les moyens d’éduquer. Être parent, savent-ils ce que sait sauf à devoir étouffer des affaires?

Il aurait fallu que tous les parents des cités gardent leurs enfants mineurs à la maison. À la maison avec parc et jardin, chambres pour chaque enfant ? Bien sûr que non : dans les quelques mètres carrés des cages à lapins que sont les immeubles des cités où sont entassées des familles. Qu’est-ce leur dehors où ils pourraient jouer, occuper leur curiosité, rencontrer ? Du béton ! À la sortie de l’école, il n’y a personne dans la cage où il faudrait qu’ils retournent, il n’y a pas une bonne qui les attend pour les emmener faire du piano, du cheval, de la danse ou je ne sais quoi d’intéressant, les moyens des associations qui tentaient de leur offrir des lieux d’activités et de relations intéressantes n’ont cessé de voir leurs moyens réduits à peau de chagrin par ceux-là même qui accusent les parents aujourd’hui.

Monsieur le Président, Messieurs les Ministres, au lieu d’aller parader entre des haies de policiers dans des quartiers dits populaires, si vous aviez été vivre ne serait-ce que quelques jours sans vos attributs dans une de ces familles que vous fustigez, vous ne tiendriez peut-être pas de tels propos et de telles menaces carrément avilissantes.

Qu’est-ce qui éduque vraiment les enfants ? Leur environnement physique et social. Ce ne sont pas vous, la plupart des ministres et hommes politiques, pas plus le président qui n’en a pas, qui avez éduqué vos enfants, je doute d’ailleurs que vous en ayez eu beaucoup le temps, voire l’envie, mais l’éducatrice a été la société où vos enfants vivent, et elle est très loin d’être un modèle d’exemplarité, de probité, de respect des valeurs dites républicaines que vous vous plaisez à ressasser. Lesdites valeurs ne sont que des mots à apprendre par cœur comme n’importe quel catéchisme, d’ailleurs y est beaucoup plus citée la soi-disant valeur travail que celles écrites au fronton de ladite république, liberté, égalité, fraternité. Même la valeur travail, au moins celle qui est nécessaire pour survivre, je ne pense pas que vos enfants en aient eu un quelconque besoin. Quant à la solidarité dite nationale qu’il vous est de bon ton de demander aux autres, c’est bien dans les cités justement qu’elle existe plus ou moins entre leurs habitants, entre leurs jeunes et je ne vois pas en quoi vous ayez été jamais solidaires avec ceux d’en bas (Solidarité « relation entre personnes qui entraîne une obligation morale d'assistance mutuelle. » Le Robert.

Vous avez aussi pointé l’absence des pères devant assurer l’autorité parentale. Il vous a probablement échappé que c’est dans les cités qu’il y a le plus grand nombre de mères élevant seules leurs enfants. Mais aussi que pendant bien longtemps ce sont les mères qui assumaient les enfants pendant que les pères devaient assurer la subsistance. Bien sûr aujourd’hui les deux parents doivent aller au boulot pour la simple survie et pas pour s’épanouir. Bien sûr dans certains milieux pas forcément aisés, mais qui ne sont certainement pas les vôtres, la charge des enfants devient partagée. Je ne pense pas que vous ayez jamais imaginé que vous auriez pu abandonner pendant ne serait-ce que quelques mois vos fonctions pour vous occuper de vos enfants !  Avez-vous seulement une fois participé à une association de parents, à un conseil d’école ? Et vous vous permettez de parler de l’école, de parler de mixité sociale alors que vous avez soigneusement évité que vos enfants y soient dans ces écoles.

Ce n’est pas d’aide qu’ont besoin tous les parents et leurs enfants, surtout de celle méprisante que vous voudriez généraliser qui consiste surtout à « éduquer les parents », comme on rééduque dans les camps de travail, pour qu’ils soient conformes à ce que vous voulez qu’ils soient. Tous ces parents voudraient simplement d’avoir les moyens, les conditions et un environnement permettant de l’être, et ils n’ont même pas besoin d’avoir tout ce dont vous disposez. Vous nous brandissez toujours le principe de réalité (celle de vos chiffres et statistiques), mais la réalité vous n’y avez jamais mis les pieds.

Au moins on sait maintenant ce qu’est pour vous éduquer… quand il s’agit des autres : formater à l’obéissance à toutes les autorités.

En imaginant qu’une révolution pourrait encore avoir lieu (ce qui est devenu une utopie complète !), ce n’est pas comme l’a fait Robespierre à la guillotine ni à l’exil ou à la prison qu’il faudrait vous condamner, mais à finir votre vie, rassemblés sans vos moyens, dans les mêmes conditions que ceux que vous montrez du doigt sans vergogne aujourd’hui, dans deux ou trois cités qui auraient été conservées à cet usage.

Comments

[Ninon]

Merci! Encore une fois en plein dans le mille. Texte remarquablement clair qui se termine très bien selon moi. Bien oui, qu'ils essaient de vivre dans les conditions inhumaines qu'ils ont eux-mêmes créées, soit dit en passant...