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Le blog de Bernard Collot
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20 avril 2018

Rêver malgré l’ordre républicain ?

 

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J’ai cru pendant longtemps que le simple fait d’expliquer, de raconter et de prouver comment les enfants se construisent (comment les enfants apprennent si vous préférez) allait suffire, hors de toute idéologie, à entrainer la majorité des parents et des politiques à concevoir une école radicalement différente, encore nécessaire dans le contexte social de notre société. Je pensais que tout le monde, ce fameux peuple soi-disant objet de toutes les sollicitudes, allait se dire « oui, pourquoi nos enfants n’auraient-ils pas les mêmes droits, les mêmes besoins, les mêmes conditions que ceux d’un Bill Gate ou d’un Arno Stern que seule une autre école pourrait leur offrir? »

Pour ne pas inquiéter, pour ne pas faire craindre une révolution chamboulant tout, j’expliquais que les enfants de nos écoles de 3ème type ou alternatives passaient aussi bien que les autres si ce n’est mieux tous les diplômes dont ils auraient envie ou besoin… alors que je savais bien qu’un bout de papier d’une part n’a pas la signification qu’on voudrait lui donner ni qu’il produit une égalité quelconque, d’autre part  qu’il est justement l’outil et la justification d’une hiérarchisation et d’une inégalité sociale.

Je pensais naïvement que les derniers apports des sciences qui ne font que corroborer ce qui est dit et prouvé depuis plus d’un siècle allaient entraîner tout le monde dans le simple bon sens.  

J’ai pu croire que le paradigme de l’écologie qui n’est même plus contesté allait s’appliquer aussi aux enfants. Comment se pencher sur la sauvegarde des espèces sans se pencher sur ce qui fait les espèces et leur pérennité en ce qui concerne la nôtre, c'est-à-dire nos petits ?

J’ai cru à une transition possible et raisonnable puisque nous étions quelques-un(e)s à l’avoir réalisée. J’ai cru que les partis politiques qui se disent progressistes ou révolutionnaires, qui chantent le bien  du peuple des adultes, allaient reconsidérer ce qui fait le peuple, c'est-à-dire comment peuvent vivre et se construire ses enfants.

Bien sûr que je savais que l’institution école ne répondait pas à ce dont ont besoin les enfants et une société harmonieuse et juste mais à ce dont ont besoin les États en place et les minorités qui en détiennent les rênes. Cela a tellement été dit et redit que je pensais que la majorité du peuple allait cesser de croire qu’il fallait se plier aux fausses évidences assénées et croire aux leurres brandis. Peut-être qu’elle ne l’a pas suffisamment entendu et surtout écouté.

Bien sûr je savais le poids des représentations, de toutes les croyances difficiles à remettre en question, mais je pensais que les innombrables expériences (vécus) depuis des décennies allaient faciliter une nouvelle prise de conscience, démonter justement tout ce sur quoi on fondait, le plus souvent de toute bonne foi, le devenir des enfants et par voie de conséquence le devenir de notre société.

En somme, à mon microscopique niveau comme beaucoup d’autres à des niveaux plus élevés, j’ai cru en la raison, en la force des faits et des constats.

Mais je me rends à l’évidence : en un siècle l’école a bien définitivement forgé l’humanité qui court à sa propre perte. Je suis effrayé lorsque j’entends l’uniformité de tous les propos que tiennent en faisant semblant de débattre, voire de penser, ceux parvenus au pouvoir des micros, pouvoir des brillants et dociles élèves qu’ils ont tous été. Dans tous les domaines mais en particulier quand ils parlent de l’école. Lorsque je les entends fustiger de « désir d’entre-soi » ceux qui essaient de quitter le navire école (comme ceux qui essaient de quitter le navire de la consommation, de l’exploitation par le travail…etc.) ils ne se rendent pas compte de l’effrayant entre-soi à partir duquel ils dictent et édictent ce que doivent penser et vivre les autres. Dans cet entre-soi ils essaient bien de se différencier en prenant des étiquettes, en général gauche ou droite, mais n’expriment rien de différent si ce n’est quelques détails qui ne remettent surtout rien en cause, sont incapables de même d’imaginer qu’école et société pourraient être autres. De parfaits hétéronomes comme le dirait Castoriadis.

Ont été encore plus brillants élèves ceux qui détiennent le pouvoir suprême (écouter par exemple le Président actuel). Comment peut-on contester, voire discuter avec ceux que l’école aurait prouvé comme étant les meilleurs (les élites de l’ENA, de science po et autres) ? Pourquoi voudraient-ils changer sur ce quoi est instauré et figé « l’ordre républicain » dans lequel ils sont au sommet ou dans lequel ils aspirent à être au sommet ?

« L’ordre républicain », que n’entend-on pas ces derniers temps cette expression ressassée actuellement à tous les niveaux.  On pouvait contester l’ordre monarchique, l’ordre divin, voilà qu’on ne peut plus contester l’ordre républicain pas plus qu’on ne peut contester l’ordre scolaire qui le prépare. Cet ordre républicain brandi pour ne pas tolérer qu’à Notre Dame des Landes se crée une autre organisation sociale et économique sans léser personne,  brandi pour ne pas tolérer que se développe à côté de SON école d’autres formes de lieux de vie des enfants sans léser personne,… brandi pour que rien ne puisse être discuté de ce qui émane de ceux qui détiennent cette république et son ordre. L’ordre républicain qui capture les enfants dès le premier âge (obligation scolaire à 3 ans), qui place chacun dans des cases d’où il ne doit pas sortir, qui fait accepter un esclavage sous prétexte qu’il est un peu plus doré pour quelques-uns.    L’ordre républicain qui a la particularité d’être fixé, modulé et appliqué par ceux qui détiendraient leur pouvoir du peuple, même si c’est d’une extrême minorité (18% pour notre dernier chef), peuple dont ils se gardent bien de faire participer à leur vision de l’ordre, à géométrie variable. Sous la monarchie, le même peuple savait que La Fontaine avait raison quand il disait que suivant comme vous serez nantis vous serez traités, mais au moins il savait, ce peuple, que ce n’était pas en son nom qu’il était ainsi traité. Il a même pu se révolter.

L’ordre  républicain est incompatible avec une démocratie parce que par essence il ne peut y avoir un ordre démocratique mais seulement une organisation démocratique, voire une auto-organisation démocratique, dont personne ne peut s’emparer.

Ceux qui pensent différemment, qui voudraient un  autre présent et un autre devenir pour leurs enfants, pour eux-mêmes, ne sont même plus des citoyens voulant discuter, proposer, ils sont devenus des ennemis contre qui ceux qui détiennent et font l’ordre républicain envoient leurs casques, leurs grenades, leurs juges, leurs huissiers, leurs inspecteurs… tous… de la République. Je ne sais pas si c’est la République qui les a enfantés ou si ce sont eux qui ont enfanté LEUR République.

Je suis bien obligé de me rendre à l’évidence, l’école de la République ne changera jamais parce que c’est l’école… de la République, elle n’appartient qu’à elle et doit secréter ceux qui devront s’y soumettre en abritant ceux qui en tirent profit ou en tirent les ficelles. Je suis bien obligé de me rendre à l’évidence, l’école de la République a bien réussi à aveugler la majorité des intelligences et c’est sur cette majorité que s’appuie l’ordre républicain et ses exactions qu’il dit légales. 

Alors, contre une hydre de Lerme que pouvons-nous faire ? Nous n’étions pas si naïfs que cela quand nous vivions et faisions vivre les enfants autrement dans une quasi clandestinité dans nos classes uniques, en trichant sans vergogne avec les instructions ou en profitant de leurs failles. Pendant la Résistance, ce sont bien les réseaux clandestins, ceux que l’occupant ne percevait pas qui l’ont affaibli et permis la libération. Les résistances ouvertes ont toujours été écrasées tant que l’immense majorité des consciences ne s’était pas éveillée (ça s’appelle l’opinion publique).

Cette résistance, c’est ce qui peut se passer dans les familles, dans les restes de l’éducation populaire, dans tous les lieux où l’on permet aux enfants l’expérience de la liberté avec l’expérience de pensée et du coup où on se la permet aussi en sachant qu’elle s’exerce dans un contexte général hostile. Même dans l’école il y a des résistants quand ils ont appris comment y être résistant (heureusement qu’il y en a eu autrefois de ces inconnus dans les administrations, chez les cheminots… et même dans la police !). « L’occupant » de nos sociétés comme autrefois l’occupant nazi le sait d’ailleurs fort bien, il surveille donc suspecte tout ce qui est différent, qui semble échapper à sa norme, en particulier dans le domaine de l’éducation, y compris d’ailleurs dans sa propre école (beaucoup de militants pédagogiques le savent).

J’exagère dans une telle comparaison ? Bien sûr il n’y a pas de fusillés (juste quelques éclats de grenade par ci par là, mais un Francesco Ferrer a bien été fusillé autrefois en Espagne pour avoir réalisé l’école moderne), bien sûr on a des vacances, des indemnités de chômage, des bagnoles, le PSG… et on peut voter… pour un des occupants ! Mais ce n’est pas parce que des processus n’aboutissent pas encore aux mêmes extrêmes qu’ils ne sont pas similaires. D’ailleurs nous risquons bien de nous rendre compte que l’ordre républicain et son école accaparés légalement (grâce à nos votes) par une extrême droite conduit bien aux mêmes extrêmes avec la complicité passive d’une masse formatée… par l’ordre républicain.

Nous ne convaincrons jamais ni les dirigeants d’une République, ni ceux qui aspirent à le devenir, ni la majorité de ceux que la République a « éduqué » avec son école, qu’elle nous conduit à notre perte et surtout à un avenir peu enviable pour nos enfants y compris les leurs. Nous ne les convaincrons jamais parce que pour l’instant, bof ! Chez nous ça ne va pas si mal que ça, il n’y a même plus de service militaire,  bien sûr il y a des pauvres, des chômeurs, mais ça pourrait être pire et on a encore des services sociaux, on peut faire des manifs, on condamne le racisme… bien sûr ça pourrait être mieux… mais l’école n’y est pour rien,… et puis l’école, même si elle n’est pas toujours drôle, on n’en est pas mortheureusement même qu’on y est allé… la vie n’est pas toujours drôle non plus il faut bien s’y habituer…  et puis tu vois bien tous les efforts, tous les sous qui sont dépensés pour l’améliorer… tu vois bien comment les enseignants se défoncent pour les enfants en difficulté, les enfants défavorisés… tu vois bien que c’est l’école avec ses enseignants qui protège les enfants des sans papiers même contre l’ordre républicain,…etc. Les plus progressistes ou révolutionnaires disent ce n’est pas l’école qu’il faut changer, c’est la société. Et, pour enfoncer le clou, s’il n’y avait pas eu cette école tu ne serais pas là à écrire tranquillement tes élucubrations ! La dialectique est impuissante devant l’irréfutable apparent, la cause des causes bien trop éloignée de l’immédiat même si on la cherchait.

Il est vrai que la succession ininterrompue des évènements (pas seulement ceux actuels) me rend quelque peu dépressif. Heureusement il y a le nombre grandissant de ceux qui rentrent dans la résistance… intelligente, dans leurs espaces respectifs et en particulier avec leurs enfants, avec ceux des autres s’ils y ont une responsabilité, résistance qui ne s’affiche pas forcément mais qui devient efficace quand elle se propage dans des réseaux. Je reste un peu optimiste !

Commentaires
C
Bernard, ne lâche pas le morceau, nous avons encore besoin de toi !<br /> <br /> Et puis dans l'école il y a plein de mauvais élève :-) ! Elle en fabrique plus que de bons et ce sont eux les futurs meilleurs :) !
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