gilets-jaunes

Nous sommes certes bien gentils, nous avons bien le droit de temps en temps d’exprimer quelque chose si nous ne dérangeons pas trop, mais bon, nous sommes quand même un peu cons nous disent ceux qui pensent bien, et voyons !  ça nous passera !

Il n’y a pas besoin d’être sorti de l’ENA, d’être un politologue patenté, un économiste savant ou un écologiste avancé pour expliquer pourquoi nous nous mettons en jaune et nous n’avons pas besoin d’eux pour l’expliquer à notre place.

Monsieur le Président,

- bien sûr, nous ne sommes pas si cons, nous comprenons bien que nous avons intérêt à mettre un peu de nos sous dans une caisse commune pour nous doter ensemble de ce qui rend service à chacun, de ce dont chacun a besoin qu’il ne peut assurer seul. Nous savons que ça s’appelle impôts.

Mais expliquez-nous, Monsieur le Président, pourquoi plus vous nous demandez d’en mettre dans cette caisse que vous contrôlez, moins nous avons ce qui nous rend service à côté de chez nous, vous savez, ce qui s’appelle « services publics » ?

- Avec nos sous, vous faites de belles autoroutes, des beaux TGV pour mettre une demi-heure de moins de Paris à Bordeaux, des grands aéroports pour faire l’aller et retour à New-York, mais nous, nous n’y allons jamais à New-York, d’ailleurs nous n’avons rien à y faire, n’y faisons couler aucune goutte d’essence. C’est qui, qui en profite et pour faire quoi ? Si nous sommes si nombreux et pressés en même temps sur les routes, avez-vous pensé que c’est le temps découpé et imposé d’un boulot à trouver n’importe où qui nous y oblige, un temps qui ne doit pas être perdu et être rentable pour ceux qui l’exploitent, notre temps ? Vous nous dites que vous allez développer les transports en commun que vous et tous vos prédécesseurs se sont évertués à faire disparaître alors que ce sont les sous de nos parents et arrières grands-parents qui avaient permis de construire toutes ces voies ferrées. Mais c’est surtout pour que nous continuions à être à l’heure et soyons déversés là où il faudra être pressurés pour le rendement d’un truc qui s’appelle capital ou investissement, un endroit qui sera déplacé ailleurs dès qu’il n’enrichira plus suffisamment on ne sait même plus qui.

- Avec nos sous, vous supprimez nos petits hôpitaux, nos postes, nos petites écoles pour lesquelles nous les mettions pourtant sans rechigner ces sous. Nos enfants y étaient bien dans ces petites écoles, ils pouvaient même y aller à pied. Nos femmes pouvaient accoucher à côté de chez elle, avec des personnes qu’elles connaissaient. Nous aimions bien discuter avec le facteur qui nous connaissait et qui avait le temps. Vous croyez que c’est notre intérêt et le leur d’envoyer à des km nos enfants dans des usines à enfants, d’envoyer nos malades, nos vieux à des km dans des usines à santé ou des mouroirs ? Alors, c’est l’intérêt de qui ?

- Vous nous dites que vous allez nous redonner un peu de nos sous pour changer de bagnole, changer nos chaudières. Mais qui va en profiter de  nos sous que vous allez peut-être distribuer ? Ceux qui en ont déjà pas mal de sous et qui pourraient se passer des nôtres ! Où allons-nous les trouver les sous qui manqueront  pour faire ce que vous voulez que nous fassions lorsque  le compte en banque est vide, lorsque le boulot à des km est incertain ?

- Avec nos sous, vous faites de beaux porte-avions sur les ponts desquels vous aimez nous parler, des bombes et tout un  tas de trucs pour tuer. Ces trucs, c’est pour faire la guerre. À qui et pourquoi ? Nous n’avons aucune envie d’aller tuer des gens et nous n’avons jamais entendu un ouvrier, un paysan, une mère de famille d’un autre pays qui ait eu envie d’envoyer ses enfants venir nous tuer et s’y faire tuer. Alors, c’est qui, qui a un intérêt à tout ça ? Nous sommes trop cons pour penser que ce n’est pas nous ? Trop cons pour penser à tout ce qu’on pourrait faire à la place des engins de mort qui doivent bien rapporter à quelques-uns et dans lesquels il faut mettre pas mal d’essence ?

- Avec nos sous vous allez faire de beaux jeux olympiques que vous allez pouvoir présider. Mais qui d’entre nous va pouvoir se payer une place pour aller hurler dans un stade ? C’est pour notre bien ? Vous croyez que sans ça nous n’aurions aucune envie d’aller courir, faire jouer nos gosses au foot ou au tennis ? Nous serions trop cons de penser qu’avec ces sous nous aurions préféré plein de clubs avec des entraineurs ? Trop cons d’imaginer tous les logements qui auraient pu être construits avec ces sous pour qu’il n’y ait plus de SDF dans la rue ? Alors, à qui profite tout ça ? Sommes-nous trop cons pour penser que ce n’est pas à nous ?

- Ah ! Nos sous de la caisse commune, vous nous dites qu’il faut les donner à quelques-uns de riches pour que nous ayons du travail. Sommes-nous trop cons pour ne pas voir que ceux à qui vous les donnez n’en ont rien à foutre de nous ? Sommes-nous trop cons de penser que du travail il y en aurait presque trop pour tout ce dont nous avons besoin en commun, pour nous, avec nos sous ? Trop cons de penser qu’on pourrait même se le partager ce travail pour mieux le faire et plus tranquillement, être moins malades donc moins coûter à tous ?

- Nous ne sommes pas écolos ? Nous ne voyons pas les sacrifices à faire pour être écolos ? Nous ne voulons pas sauver la planète ? Mais notre planète où nous vivons, Monsieur le Président, c’est le béton dans lequel vous nous avez entassés en vous servant de nos sous, les logements à payer qui s’écroulent sans que vous y mettiez un de nos sous, les grandes surfaces installées avec nos sous, qui nous bouffent les sous qui nous restent et goudronnent nos terres en nous empoisonnant. Pour être écolo si on n’est pas bobo, il faudrait avoir un bout de jardin qui permette de manger des carottes qui ne viennent pas d’Israël ou d’ailleurs, avoir des petits paysans pas loin qu’on peut même aller aider, pouvoir prendre son vélo pour aller bosser pas loin, peut-être en traversant la rue où vous n’avez pas dû passer souvent parce qu’il n’y a plus rien de l’autre côté de la rue

C’est qui, qui a fait, avec nos sous, ces ensembles de béton, cette vie où l’écologie  est impossible ? Nous aimerions bien nous promener dans les forêts, écouter des oiseaux, respecter une nature… si elle nous entourait encore et que nous ayons le temps d’en profiter. Croyez-vous, Monsieur le Président, que nous serions assez cons pour la détruire nous-mêmes cette nature, si nous l’avions à la place d’un aéroport que vous vouliez installer, de tout ce que vous voulez encore et sans cesse agrandir, concentrer ?

Vous nous demandez des sacrifices, mais quels sacrifices pensez-vous que nous pouvons encore faire quand il n’y a plus rien à sacrifier ? Dites-nous ce que sacrifient tous ceux qui profitent de nos sous et les entassent. Tiens, et les vôtres de sacrifices pour sauver votre planète, on peut les voir ?

- Et l’essence dans tout ça, Monsieur le Président ? Sommes-nous trop cons pour penser que nous en aurions beaucoup moins besoin si nos sous que nous mettons en commun nous servaient à mieux vivre, à travailler là où nous sommes ? Est-ce trop con de penser que c’est vous qui nous obligez à aller à la pompe avec ce que vous faites de nos sous ?

Nous ne comprenons pas que nous allons bénéficier de tout ce que vous faites de nos sous pour notre bien ? Ben expliquez-nous, Monsieur le Président, pourquoi depuis le temps que nous remplissons ce qui n’est pas notre caisse mais votre caisse il y en a de moins en moins dans nos poches pour simplement faire bouffer nos gosses et être bien ensemble là où nous sommes ?