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Le blog de Bernard Collot
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14 mars 2022

1940-2021 (66) 1960-1975 Épilogue de la période dans le Beaujolais

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J’ai beaucoup aimé cette période de 1960 à 1975 dans le Beaujolais.

Le paysage encore arboré, ses étalements de végétation sur les pentes de la vallée de la Saône jusqu’aux Monts du Beaujolais, de la plaine aux vignes, des vignes jusqu’aux sapins en passant par les broussailles aux chèvres, sa lumière dans les coteaux orientés plein est, les explosions de couleurs de l’automne…

J’ai aimé ses habitants, leur simplicité, leur convivialité, leur bonhomie. Ce monde de petits viticulteurs n’était pas tout à fait le même que celui des petits paysans de la Bresse de mon enfance (celle-ci ne se trouvait pas très loin : de l’autre côté de la Saône). C’est vrai qu’il était un peu plus aisé, un peu plus moderne, mais il avait gardé la même philosophie, la même tranquillité face aux impondérables de la nature et du climat dont les vignobles dépendent. 

Je m’y étais fait des amis et j’y ai appris l’importance de l’amitié dans la vie sociale. Je me souviens en particulier de Charlot Crozet, un vigneron, un personnage dénotant quelque peu dans le village où il avait été le seul résistant maquisard  FTP  pendant la guerre. Il m’avait toujours soutenu pour mes pratiques scolaires quelque peu iconoclastes et dérangeantes et je garde le souvenir ému des repas dans sa famille avec son épouse et ses enfants, des vendanges chez lui. Il m’avait fait élire avec lui au conseil municipal où nous étions la minorité qui ne gardait pas le silence et ne disait pas amen au maire. Il y avait aussi Jeannot Burgaud et son épouse parisienne, un peu l’étrangère comme mon épouse et moi, du même âge, les moments festifs et chaleureux passés avec eux.

J’y suis retourné un jour, une trentaine d’années plus tard. Tous les enfants qui étaient passé dans mon école y étaient pratiquement tous encore, beaucoup vignerons comme leurs pères, dans la même philosophie malgré la modernisation de leur vie, toujours amoureux de leur village. Certains étaient proches de la retraite ! Les autres avaient pratiquement tous fait ce qu’ils aspiraient de faire enfants. Il est vrai que la situation économique de l’époque n’était pas celle d’aujourd’hui. Lorsque j’y étais allé, malgré trente années passées nous nous étions tous reconnus chaque fois que je m’arrêtais devant la maison d’un d’entre eux et allais frapper à leur porte. Lorsque je suis reparti le soir de ce jour, je m’étais arrêté à Beaujeu acheter un paquet de cigarettes. En sortant du tabac je me suis vu interpellé par une voix tonitruante et rigolarde :

- Et bé Bernard, qu’est-ce que tu fous là ?   

C’était Maurice S. dont je vous avais parlé dans l’épisode du certif !

- Allez, faut qu’on en profite, tu ne t’en vas pas tant que je n’aurai pas payé un pot à mon instit !

Lui, que le jugement traditionnel qualifiait de mauvais élève, fils d’un ouvrier agricole et à qui on ne donnait pas grande chance de réussir sa vie, était devenu l’incontournable garagiste, chef d’entreprise, chez qui toute la région faisait réparer ou achetait sa bagnole neuve ou d’occasion. Je n’ai jamais autant apprécié d’aller boire un pot dans un bistrot !

Et puis cela a été une époque que j’ai vécue très intensément. J’y ai rencontré beaucoup de personnes hors des cercles viticoles avec qui nous nous découvrions des affinités intellectuelles, des visions semblables de la vie, sans compter les ami-e-s instit-e-s du mouvement Freinet assez nombreux dans la région. Il est vrai qu’en milieu rural, lorsqu’on y est mobile et actif, il est bien plus facile de se repérer et de se rencontrer qu’en milieu urbain où parfois on ne connait ni ne rencontre ses voisins. Je n’avais pas vécu seul la période de 68.

Il est vrai que les tassées ou pots de beaujolpif qui ponctuaient même avec modération tout événement, toute activité commune, aidait quelque peu à la relation. L’important était la modération sans laquelle vous étiez fichus ! Il fallait apprendre que le beaujolais ne se boit pas mais se déguste.

Pendant cette période j’étais parfaitement intégré dans un certain confort, la facilité de vie, la consommation. Je suis parti du Beaujolais en 1975 pour des raisons que j’expliquerai dans le prochain volume. Cela a été un autre monde, une autre vie, un autre changement radical.

 Prochains épisodes : 1975-1995 Moussac sur Vienne  épisodes précédents ou index de 1940-2021 

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