1940-2021 (168) - 2018 : Le bac

 Peu de monde aurait parié sur sa réussite au bac. Vu la continuité de son « travail non fait », de sa désinvolture pendant les cours, de son absence dans la plupart de ces cours en terminale, tous ses profs lui prévoyaient un échec quasi certain. Quant à nous ses parents, évidemment nous aurions aimé qu’il ait ce papier qui, même dévalorisé comme c’est proclamé chaque année depuis des dizaines d’années, ouvre quand même quelques portes, nous savions que ce n’était pas cela qui déciderait de ce qu’il ferait de sa vie ; ce d’autant qu’il ne savait toujours pas ce dont il avait envie et qu’un diplôme n’était plus ce qui peut protéger du chômage. « Bon, mais tant qu’à être resté au lycée jusqu’à la fin, autant essayer de l’avoir, ce bac. » Donc nous n’avions jamais fait pression sur lui. Le bac n’est qu’un bout de papier, comment se fait-il que l’on condamne la totalité de la jeunesse à en faire l’objectif de sa vie ?

Est-ce qu’il s’est lancé les dernières semaines comme tout le monde dans les révisions ? Comme pour le bac de son père autrefois à l’École normale, réviser quand on a manqué les trois quarts des cours est mission impossible et inutile. Tout au plus s’est-il un peu plus concentré sur l’objectif et puis il avait lu sur internet les conseils du philosophe Vincent Cespedes « Comment réussir à tout coup le bac philo, avec mention ? ». Je conseille vivement ce bouquin à tous les futurs candidats bacheliers, les examens ne sont rien d’autre que de rentrer dans les modèles suivis par les correcteurs pas tellement des connaissances qu’il faut mettre dans ses modèles. Il y a bien eu aussi un bouquin qui a fait fureur autrefois : « Comment réussir à tout coup les tests ou les entretiens d’embauche. »

Si bien qu’il arriva à l’examen parfaitement décontracté. Or c’est dans cet état que l’on est en possession de toutes ses facultés. Apparemment ces deux jours avaient été pour lui une promenade. Le  jour de la proclamation, j’allai donc l’attendre à la sortie où il devait annoncer les résultats. Devant la grille du lycée, nous étions nombreux à attendre : les parents, d’autres élèves, quelques profs. Lorsqu’il arriva, il claironna rigolard « Bac avec mention ! » Le plus étonnant c’est que sa profe de philo et celle de littérature semblaient encore plus enchantées que moi et n’arrêtaient pas de le serrer dans leurs bras ! Lorsque tous trois épluchèrent les notes obtenues, ils s’aperçurent que pour une épreuve orale il avait été marqué « absent », donc pas de note alors qu’il n’en avait raté aucune.

- C’est scandaleux cette erreur ! Il ne faut pas laisser passer cela qui t’a fait manquer la mention très bien. Cela arrive chaque fois, il faut aller au bureau des réclamations, si tu veux nous t’accompagnons !    

Bof ! Martin s’en fichait totalement d’une autre mention, quant à moi, ce qui me préoccupait c’est que le lendemain il fallait partir de bonne heure à Albi confirmer son inscription à la fac de lettre et lui trouver un logement. Pas le temps d’attendre plusieurs jours pour qu’une rectification soit faite et surtout récupérer tout de suite l’attestation de réussite nécessaire pour la fac. Nous avons donc facilement laissé tomber, seules ses deux profes le regrettaient.

Nous arrivons donc au dernier épisode scolaire.

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