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Le blog de Bernard Collot
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28 août 2023

Donnez-leur des jeux...

championnats

J’ai regardé la semaine dernière les championnats du monde d’athlétisme : 35° dehors, 22° dans la pénombre de ta vieille baraque sans clim, les doigts de pieds en éventail devant l’écran avec une bonne bière à portée, tu plains même les malheureux en vacances qui se brulent la peau et se dessèchent sur le sable surchauffé !

- Côté pile, je me suis régalé.

Le spectacle esthétique d’abord. Qu’ils sont beaux ces corps de jeunes femmes et jeunes hommes qui te font ressentir que tu as un ventre devenu mou, des muscles flasques, une peau ridée et des os qui grincent ! Comme tu es seul devant l’écran, tu te permets d’être grossièrement incorrect, tu t’exclames souvent : « Putain ! Quelles belles bêtes ! »  La beauté des mouvements, soulignée par les ralentis, te laisse rêveur, en particulier dans tous les sauts. Comme devant un spectacle de cirque, tu te demandes comment ils peuvent faire que leurs corps arrivent à défier toutes les lois de la pesanteur, comment peuvent-ils faire voler un disque, un javelot ou un poids aussi loin ? Tu deviens aussi admiratif que lorsque tu regardes le vol des mouettes au-dessus de la Loire, la buse qui plane au-dessus des vignes, le faucon en suspend dans les airs avant de plonger sur une proie, l’araignée qui se meut sans que tu voies le fil auquel elle est suspendue ou le bousier qui pousse une boule dix fois plus grosse que lui. Tu te demandes comment ils peuvent demander à leurs corps de continuer au-delà d’un épuisement.

Tu te régales de voir cette jeunesse exploser de plaisir lorsqu’elle triomphe, se congratuler, s’embrasser avec celles et ceux qui ont été vaincus, voire les consoler. C’est encore mieux lorsqu’il y a la même joie lorsque c’est celle d’avoir accédé à une demi-finale ou d’être arrivé cinquième. Tu te dis que si la compétition c’est cela, finalement un prétexte pour faire mieux, alors elle serait presque acceptable.

Et puis tu te trouves toujours l’un des concurrents pour t'imaginer courir ou sauter avec lui ; un Français s’il y en a, une que tu trouves plus belle que les autres ou au contraire qui parait n’avoir physiquement aucune chance… Comme devant un match de foot, tu te laisses aller à commenter comme si tu étais un coach ou un stratège expert : « Attention petit, tu vas te faire surprendre… et voilà, je te l’avais dit ! », « Pas étonnant ma petite, tu n’as pas pris assez d’élan, tu n’as pas accéléré au bon moment ! »… et c’est comme si c’était toi qui avais couru, sauté, lancé, gagné... ou perdu !

- Mais il y a un côté face qui plonge dans des abimes de perplexité.

Pourquoi ces pleurs et ce désespoir parce que la médaille suprême n’a pas été obtenue ? Vous me direz que dit en anglais (ça fait sérieux), dans notre société, ou tu es un winner, ou tu es un loser, et rien d’autre ! Ou, dit par notre Président : il y a tous ceux qui ne sont rien !

Ah ! Ces médailles ! Ces bouts de ferraille qui deviennent le seul but d’une montagne d’efforts et de sacrifices ! Tu croyais qu’un championnat c’était uniquement l’occasion pour de jeunes athlètes du monde entier de se retrouver pour, dans des confrontations stimulantes, dépasser leurs limites. Pas du tout : c’était pour pouvoir se parer un éphémère moment d’un pendentif. Et les commentateurs de faire les comptables. Catastrophe, la France n’a obtenu qu’une ou deux médailles ! Elle n’est qu’en vingt-septième position derrière un petit pays comme l’Équateur dans ce qui n’était finalement qu’une compétition entre pays. On n’a pas entendu la Marseillaise ! Voilà que ce n’étaient pas des athlètes qui concouraient mais c’était la France ! Si tu pensais que tu faisais partie de ce truc appelé la France, c’est donc toi qui aussi es nul ! Je ne vois pas en quoi n’importe quel médaillé m’aurait représenté et que je pourrais en être fier, surtout quand je me prélasse à les regarder de mon canapé. Je ne vois pas en quoi le nombre de médailles signifierait la force et la grandeur d’une nation.

Et puis je ne peux m’empêcher de penser à ces jeunes qui passent et sacrifient des jours et des jours de leurs plus belles années à ne se consacrer qu’aux entrainements, qu’aux efforts censés les faire monter un jour sur la plus haute marche d’un podium. Est-ce cela la jeunesse où l’on peut jouir de la vie, jouir des autres et d’une certaine liberté, déconner… sans trop se poser de questions sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Le jeu en vaut-il la chandelle, chandelle qui n’est qu’une médaille dorée ?  Vous me direz qu’il y en a bien d’autres qui consacrent aussi leur temps pour obtenir un diplôme qui n’est rien qu’un autre bout de papier. Le sport devenu un métier, voire un esclavage consenti, qu’il faut entreprendre dès l’adolescence, voire dès l’enfance, et pour lequel des « chasseurs de têtes » écument les pays pour repérer celles et ceux à qui ils pourront faire miroiter des jours glorieux. Sélection, sélection partout, tout le temps !

Du coup, peut-on vraiment continuer à glorifier le sport, à le dire éducatif ? Le temps est bien loin où un certain Baron de Coubertin disait que « l’essentiel est de participer », mais le pensait-il vraiment ?   

Et les commentateurs comme les athlètes qui n’arrêtent pas de penser aux Jeux olympiques de Paris comme si ces championnats du monde n’avaient d’autre but que de pouvoir se parer dans un an des couronnes de laurier qui sacrent à vie. Contrairement aux titres de champions ou championnes du monde qui ne durent que le temps d’une année jusqu’à ce qu’un ou une autre triomphe à son tour et fasse oublier les précédents, une couronne olympique, personne ne peut ensuite l’enlever ; ses porteurs deviennent les dieux du stade comme l’étaient les dieux de l’Olympe, rois et reines d’un jour. Tout ça pour ça ?

Les JO se veulent d’être la gloire de la ville et du pays qui les accueille, on nous le ressasse continuellement, nous aurions même de la chance de les accueillir. Le monde entier va, parait-il, regarder Paris, il faut que cela en jette, éblouisse ! Je ne vois pas en quoi « nous » aurions de la chance puisque la plupart d’entre nous n’aura pas les moyens d’assister à un spectacle qui est autant clinquant que grandiose, voire grandiloquent.

Un championnat du monde demande une certaine dépense de moyens d’une ville et d’un pays, il faut bien au moins un stade qui puisse accueillir des dizaines de milliers de spectateurs et une piste calibrée pour courir en rond les distances homologuées. Je me suis d’ailleurs toujours demandé pourquoi c’était 400 m, 410 m, 100 m ou 110 m, pile poil, qu’il fallait courir et pas un centimètre de plus ou de moins, pourquoi un ou deux millièmes de seconde d’écart pouvaient distinguer un vainqueur qui aurait été meilleur que le second, voire le troisième. Standardisation, normalisation, mondialisation, même pour le sport !

Mais pour les JO et pour les mêmes épreuves, c’est toute une ville qu’il faut chambouler, dépenser des sommes astronomiques dont on ne dispose pas, parait-il, pour qu’il n’y ait plus de SDF dans les rues. J’avais eu l’occasion de rencontrer des Barcelonais, juste après leur JO : il fallait les entendre fulminer contre ces jeux qui avaient fait construire des installations, demandé des travaux qui avaient empoisonné leur vie et qui se sont avérés ensuite n’avoir plus aucune utilité pour eux. Si j’en crois ce que j’entends, c’est la même chose dans toutes les villes qui se sont enorgueillies de les accueillir : partout on a chanté toutes les retombées bénéfiques qui allaient en résulter, partout les seuls profiteurs ont été les multinationales des BTP, quelques hôtels de grand luxe ou quelques commerces offrant des babioles aux touristes.  Les conditions de vie du peuple, elles, n’ont pas bougé d’un pouce. De même est-ce parce que quelques-uns auront couru une fraction de seconde plus vite, sauté un centimètre plus haut que tous les autres humains que cela signifiera une amélioration de l’espèce humaine ?

Et voilà, pendant plusieurs années les moyens d’une ville, d’un pays, auront en partie été consacrés à un spectacle auquel bien peu pourront assister. Peut-être que si ces JO ont lieu pendant une période de canicule qui vous tient enfermés au frais sans avoir grand-chose à faire, y jetterai-je quand même un coup d’œil sur ma télé si elle marche encore… pour faire la fine gueule et en faire une autre chronique aussi débile que celle-ci !  « Donnez-leur des jeux… » et surtout qu’ils ne se réveillent pas !

Finalement ces championnats et ces jeux ne sont que le reflet d’une société qui, comme les éphémères, va se bruler et périr attiré par des lumières de lampadaires factices et inutiles. Rome l’a expérimenté, maintenant c’est toute l’espèce humaine qui se condamne.

Commentaires
J
Eh oui, "Du pain et des jeux" !<br /> <br /> Pour le pain il ne faut pas rêver mais pour les jeux on est servi ! Le divertissement on en a à foison et c'est bien pour un but en effet ! La plus part sont bien sportif par substitution. <br /> <br /> Si au moins ces jeux étaient bénéfiques pour la communauté, s'ils servaient l'unité des nations, la fraternité, les échanges intergénérationnels, la bienveillance et la paix comme exemples aux plus jeunes ! Mais ce n'est pas le cas et ce n'est pas non plus le but recherché... Et c'est la même chose pour tous les événements sportifs où les enjeux économiques sont présents.<br /> <br /> Même les J.O. sont complètement politisés et c'est toujours la population du pays qui pâti des conséquences souvent négatives d'une pareille dépense outrageante face à la misère grandissante des pays occidentaux. Pas d'argent pour les plus démunis, pas non plus pour les enfants dans la rue ou pour des écoles plus justes, mais pour la guerre et le jeux pas de soucis ! Les structures utilisées pour l'évènement éphémère tombent souvent en ruine et n'ont plus d'utilité.<br /> <br /> <br /> <br /> Peut-on encore un jour espérer un réveil de la nation pour rejeter ce système pyramidal de l'élite corrompue et changer pour un fonctionnement et une société enfin humaine, juste et bienveillante ?
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