Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog de Bernard Collot
Le blog de Bernard Collot
Derniers commentaires
19 mars 2021

L’école, l’emprisonnement d’un mot

vieux

...et pas facile de s’en sortir !

Sur Wiki :

"Le mot école vient du latin schola, signifiant « loisir consacré à l'étude », lui-même provenant du grec ancien σχολήscholè. Le loisir ne se traduisait pas par l'oisiveté, mais par l’arrêt du travail, « la liberté d'échapper aux travaux productifs pour pouvoir se consacrer à des tâches plus élevées comme la politique (ta politika ou affaires de la cité), l'étude ou l'enseignement" . Petit détail quand même, à Athènes l’école était réservée aux garçons de familles riches, les fils d’esclaves n’y avaient pas droit, c’est à dire pas le droit au loisir.

Si l’on prend le mot lycée c’est aussi troublant : "Issu du latin Lyceum, plus avant, du grec ancien Λύκειον, Lúkeion, école philosophique (fondée par Aristote à Athènes près du temple d'Apollon qui était un gymnase (d’où le mot commun Gymnasium en allemand pour désigner un lycée) du nord-est d’Athènes. (1721) Apparaît avec le sens de « lieu où s’assemblent les gens de lettres »". 

Dans notre mémoire collective et nos représentations, l’école c’est plutôt l’endroit où « maintenant, tu es plus grand, fini de t’amuser, tu vas travailler ! », assorti d’un « si tu ne travailles pas à l’école... », bref, si tu n'y travailles pas tu seras un moins que rien, ou, pour les pauvres, « tu seras comme ton père ! » 

Pas facile de se débarrasser de ce poids. Ce d’autant que pendant un temps pour les révolutionnaires l’école devait vaincre l’ignorance du peuple pour qu’il ne soit plus asservi, en ce sens elle devait être libératrice, émancipatrice ou combattante (Francisco Ferrer, Paolo Freire, Célestin Freinet...). Cela n’a pas été évidemment la fonction que lui ont assigné les États dans leur école obligatoire.

Il n’empêche qu’il apparaît toujours impensable que l’école soit autre chose que ce qu’elle est et a toujours globalement été depuis son institution étatique. C’est d’ailleurs peut-être sa force : elle s’inscrit dans nos représentations collectives comme un inéluctable comme il est inéluctable que le printemps succède à l’hiver, comme il est inéluctable qu’il faudra trouver un employeur pour survivre, etc.

Tout au plus, depuis quelque temps, on s’interroge ou on s’empoigne sporadiquement sur l’efficacité des méthodes de ses opérateurs. Mais pas question que d’autres que ses opérateurs et surtout ses dirigeants (ministre, administration) viennent y mettre leur grain de sel. Tout au plus, quand la concentration forcenée l’enlève du paysage d’un village ou d’un quartier s’aperçoit-on alors du pôle relationnel et social qu’elle était malgré tout. Tout au plus regrette-ton qu’elle ne fasse pas mieux (quand ce sont des études PISA qui le disent) sans trop savoir ce que pourrait être ce mieux qui peut tout aussi bien faire accepter d’être le pire.

Si bien que lorsqu’il arrive qu’il puisse encore se créer une école alternative, si l’opinion publique concède que les enfants y sont plus heureux, oui, mais ce n’est pas une école ça ! Lorsque des instituteurs au début du siècle précédent (et encore aujourd’hui) faisaient des classes promenades, ils subissaient immanquablement le « ils feraient mieux de travailler au lieu de perdre leur temps ». Perdre son temps, c’est devenu l’horreur et même l’horreur économique, même s’il ne nous reste plus beaucoup de temps disponible à perdre. 

Si on ne met pas le mot école sous n’importe quel lieu alternatif mis à disposition des enfants tout le monde se demande alors à quoi il sert. « Vos écoles ne sont que des colonies de vacances » me disait-on parfois, donc que venaient-elles faire en dehors des vacances, sous-entendu les colonies de vacances ne sont que pour meubler un temps où les enfants... ne sont pas à l’école ! Dans une école du 3ème type le mot école ne désigne finalement que le bâtiment existant, mais on est quasiment obligé de le conserver… pour rassurer : puisqu’il s’appelle école, les enfants doivent bien y apprendre quelque chose. Si des enfants ne vont pas à l’école, ce qui devient de plus en plus difficile, il faut absolument déclarer qu’ils font… l’école à la maison !

Notre plus grand ennemi c’est le poids de nos représentations incluses dans des mots comme celui d’école ou celui de travail1 ou celui de démocratie2 etc... et bien d’autres. Habitus aurait dit Bourdieu, hétéronomie aurait dit Castoriadis. Tous les pouvoirs savent que c’est en instillant des représentations collectives simplement dans des mots qu’ils le conservent ce pouvoir. La Boétie l’avait le premier clamé très fort. Ce ne sont pas les dirigeants, de quelque bord soient-ils, qui vont laisser entendre que les mots utilisés pourraient être autre chose que ce qu’ils veulent qu’on y mette.

La lutte pour des changements n’est donc pas que politique, mais elle est encore plus difficile.

2 Lorsque des écoles alternatives s’appellent « écoles démocratiques » l’incompréhension est totale tant les représentations mises sous ces deux mots sont incompatibles !

Commentaires