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Le blog de Bernard Collot
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21 septembre 2022

1940-2021 (147) – 1995. Le branlebas d’un direct, sur Canal+ à Moussac

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1995, nouveau coup de téléphone. Cette fois c’était Canal+ qui voulait tourner l’émission de midi, « La grande famille » nouvellement animée par Michel Field, en direct dans une petite école, ils avaient mis leur dévolu sur Moussac. Pourquoi pas : participer directement à ce que quelques-uns voyaient à la télé, voir comment cela se passait, cela devrait être intéressant pour tout le monde. Et puis aucune demande d’autorisation à faire et même pas une information à donner à l’inspecteur puisque cela devait être pendant le temps de midi.

Une petite équipe de l’émission est venue quelques jours auparavant passer une journée dans la classe pour les repérages et voir ce qui se passait quotidiennement pour, le jour J, faire des images en direct avec les enfants pour illustrer en cours d’émission les propos des adultes. Nous avions tous remarqué que celles et ceux qui venaient préparer une émission dans nos classes étaient très souvent emballés : pas étonnant, la plupart avait aussi des enfants. Cela avait été le cas, si bien que, par la suite et pendant quelque temps, j’ai été parfois sollicité pour leur donner des tuyaux sur les écoles intéressantes où Canal pourrait aller faire des reportages.

Le jour J, nous ne savions absolument pas comment cela allait se dérouler. Et cela a été un sacré branlebas ! Le matin, arrivée dune ribambelle de voitures de location et de trois ou quatre semi-remorques occupant toute la rue devant l’école. L’un transformé en régie, un autre déployant une immense antenne. La gendarmerie était là pour bloquer les rues, l’EDF avait été sollicitée pour assurer le débit électrique nécessaire et éviter les baisses de tension où les coupures dans le village…Et l’école était envahie par une foule de techniciens, électriciens, éclairagistes, maquilleuses et autres. Les mômes et moi ne savions plus où regarder ! D’ailleurs nous ne pouvions rien faire d’autre que regarder, demander « à quoi ça sert ? ». Le camion de la régie où finalement c’est là que toute l’émission se fabrique, avec tous ses écrans et claviers était une découverte. Le préau était devenu le salon de maquillage. Nous fûmes sidérés lorsque Martine Mauléon qui devait juste présenter pendant deux ou trois minutes la météo y passa une bonne demi-heure ! Il y avait des câbles électriques partout, du matériel dans la cour. Tout était chamboulé, dans la salle de classe qui devait être le plateau des invités tout le mobilier avait été déplacé, des projecteurs installés savamment, des caméras sur leurs pieds,… il y avait juste les murs avec tout ce que nous affichions qui étaient restés en place… pour le décor.

Lorsque Michel Field arriva, pantalon de cuir et veste de soie, il se présenta à moi se fendant d’un large sourire en me disant :

- Bonjour. Ne vous en faites pas, je connais très bien les écoles et ce que vous faites parce que j’ai été prof d’école normale, j’ai été un collègue ! Puisque c’était si cordial, je crus malin de vouloir faire de l’humour pour montrer que j’étais parfaitement décontracté et en rigolant je lui rétorquai :

- Ah ! En sommes vous avez été un de ces formateurs qui forment sans avoir jamais mis les pieds dans ce pourquoi ils doivent former.   

Manifestement Field n’apprécia pas du tout le second degré ! Ces animateurs que l’on voit à la télé sont vraiment sympathiques… seulement lorsque les caméras tournaient. Lorsque l’émission a commencé il était d’une gentillesse exquise. Mais, à la première coupure des micros et caméra pour que la régie envoie la pub, surprise : quittant tout sourire il se mit à hurler devant tout le monde interloqué en direction de techniciens qui n’avaient pas fait je ne sais quoi en les menaçant de foudres futures. Et puis dès l’annonce « attention reprise dans 10 secondes » immédiatement le visage et la voix redevenaient affables. Drôle de monde celui de la télé.

Un peu avant midi l’heure fatidique, tous les invités et moi qui attendions patiemment dans la cour après nous être fait poudrer le nez, nous fûmes conviés à nous installer à des places désignées, Field installé sur un bureau sensé être celui du maître, puisque le plateau était celui d’une salle de classe. Je ne sais comment l’équipe de production s’était débrouillée mais ses invités étaient vraiment bien choisis et je pouvais être tranquille : le maire bien sûr, des parents d’élèves à la parole facile, Jacky un ancien élève devenu étudiant, Frédéric Gautreau, l’instituteur de La Puye et une institutrice d’une classe unique charentaise pour qui Canal avait obtenu une autorisation d’absence. Mais pas un enfant ! Ceux-ci étaient cantonnés dans la seconde salle où une partie de l’équipe les plaçait et leur faisait faire semblant de réaliser une des activités qu’elle avait vue lors de ses repérages pour en intercaler les images, donc complètement fictives, pendant que nous les adultes discutions dans l’autre salle.

Ceci dit, il faut reconnaître que l’émission avait été bien conduite pour ce que nous défendions. Par contre, totalement impossible de savoir si l’animateur était vraiment convaincu, il en donnait seulement l’impression puisque cela s’appelait « la grande famille » !

Comme pour un cirque, le démontage de tout ce fourbi a été bien moins long que son installation, et à 14 heures nous pouvions rentrer dans l’école comme si aucun ouragan n’y était passé, même les chaises, les tables, les étagères, le matériel avaient retrouvé leurs places exactes de la veille, la rue devant l’école était aussi paisible qu’habituellement. Pour les enfants, les invités et moi, il nous a fallu l’après-midi au soleil pour retrouver nos esprits !

Un détail : Michel Field en repartant immédiatement après l’arrêt des caméras n’est pas venu me serrer la main ! Je n’avais plus aucun intérêt, à la télé l’amabilité se réduit à son utilité.

Prochain épisode : le film "les enfants d'abord" -  épisodes précédents ou index de 1940-2021 – La lutte pour l’école rurale    

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