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Le blog de Bernard Collot
Le blog de Bernard Collot
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10 janvier 2023

1940-2021 (182) - 2 013, me voilà avec une éditrice !

Tu deviens auteur lorsque tu as un éditeur !

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Un jour de 2 012, j’eus la surprise de recevoir un message : c’était Claudia Renau la co-créatrice d’une petite maison d’édition, l’Instant Présent, qui me proposait d’éditer « La pédagogie de la mouche » 

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Claudia Renau avait été dix ans professeure d’histoire géo dans le secondaire. Intéressée par la pédagogie de projets, elle était inscrite dans la liste de diffusion du mouvement Freinet. C’est sur cette liste de diffusion qu’elle avait eu vent qu’un certain Bernard Collot réalisait des bouquins. Elle démissionna de l’EN en 2 006. Entre-temps, sous l’influence de son compagnon Fredy Fadel, elle avait déscolarisé ses enfants et tous deux pratiquaient le unscooling. Il était tout à fait possible de ne pas envoyer ses enfants à l’école et de faire « l’école à la maison » puisqu’en fait ce n’était pas elle qui était obligatoire mais l’instruction. Le unschooling, dont l’origine est attribuée à l’États-uniens John Holt, ce n’était plus remplacer le professeur à la maison mais laisser une certaine liberté à l’enfant pour que ses apprentissages s’effectuent d’une manière autonome. Ce n’était pas aussi évident que cela et Claudia Renau s’informa beaucoup, établit des relations avec d’autres parents allant dans le même sens, c’est ainsi que se constituent les réseaux. Sentant qu’il y avait un besoin d’informations, avec Victorine Meyers et cinq autres mamans elles cofondèrent une maison d’édition pour aider les uns et les autres en même temps que pour défendre l’idée que les apprentissages peuvent s’effectuer ailleurs et autrement qu’à l’école traditionnelle.

Les premières années entre les écrits des fondatrices sur la petite enfance et l’enfance, les approches différentes de la grossesse, de la naissance, de l’allaitement… l’Instant Présent avait de quoi publier pour tout un réseau qui voulait sortir de l’autoroute du conformisme éducatif. Mais il fallait bien trouver des auteurs pour étoffer et diversifier les rayons et à côté des traductions de John Holt (« Comment l'enfant apprend » ) ou des sociologues Alan Thomas et Harriet Pattison (« L’école de la vie ») il n’y avait encore pas grand-chose en ce qui concernait les apprentissages autonomes. D’où le message !

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Bien sûr que j’acceptai ! « La pédagogie de la mouche », je l’avais déjà autoédité, je pensais que je n’avais qu’à lui envoyer le fichier et qu’elle n’avait plus qu’à le mettre en forme et le faire imprimer. Je n’avais pas compris qu’un livre, s’il a bien un auteur, sa réalisation est un travail à deux. D’ailleurs, une fois édité, le livre n’appartient plus à son auteur mais à son éditeur. Une fois le fichier envoyé, commença alors un inattendu travail de correction. Je croyais que la correction ce n’était que celle des fautes d’orthographe et que le correcteur n’avait pas besoin de moi pour le faire. Pas du tout, tout au moins avec Claudia Renau. Lorsqu’on écrit et que l’on se relit, tout semble compréhensible puisque finalement on ne relit que ce que l’on avait dans la tête lorsqu’on l’a couché sur un papier. Ce n’est pas la même chose lorsque d’autres nous lisent et qu’ils doivent bien comprendre justement ce que l’on avait dans la tête. Et Claudia fut impitoyable ! Je croyais avoir bien compris l’importance de la syntaxe, de la ponctuation puisque dans ma carrière d’instituteur c’est ainsi que j’aidais les enfants à s’approprier l’écrit : « Les autres ne comprennent pas ce que tu veux dire. » Applique-toi à toi-même ce que tu demandes aux autres ! Et ce fut pendant une ou deux semaines l’épluchage de chaque page, Claudia proposant en disant chaque fois « in fine c’est l’auteur qui décide ! » Je ne sais pas si c’était parce qu’elle avait été profe, mais outrepassant peut-être son rôle de correcteur, elle allait jusqu’à ne pas être d’accord avec ce que j’exprimais. Cela aurait pu être fastidieux et pénible, mais je me pris au jeu de tous ces échanges qui m’ont permis non seulement de m’améliorer dans l’écriture mais aussi de défendre et d’affirmer ce que je pensais. Ce fut Victorine Meyers qui s’occupa de la mise en page et de l’illustration par quelques photos.

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Le livre fut publié en 2 013 et dans la foulée l’Instant Présent reprit « Chroniques d’une école du 3ème type » déjà autoédité, avec le même travail de correction (décembre 2013).

 Une suite à ces chroniques a été en 2 017 « Une école du 3ème type, un autre paradigme à explorer avec les enfants » où j’avais repris des textes de mon blog et écrit quelques autres, puis cela a été un petit opuscule, « Oui ! Mais… » où j’essayais de répondre à celles et ceux qui tout en étant attentifs à nos propos trouvaient toujours une objection pour les rejeter dans l’utopie. Enfin, toujours en 2 017, il ya eu « Entre autres, le chemin des adultes pour libérer les enfants » où avec Thierry Pardo nous tentions par des échanges épistolaires une sorte de co-biographie pour montrer qu’être parent ou éducateur différent était un long chemin.  

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J’étais bien devenu auteur ! Je pouvais même être commandé par un libraire. Je recevais même chaque année des droits d’auteurs qui, quelle que soit leur somme, vous sacrent écrivain.  Mais était-ce pour cela que j’ai été un auteur très lu, ce qui veut dire beaucoup acheté ? Il faut bien reconnaître que mes écrits n’ont pas touché les foules. Bien sûr il y a le talent littéraire que je n’ai pas et qui fait que tu entraînes les lecteurs dans des univers dont ils peuvent se délecter. Thierry Pardo qui écrit comme je l’ai fait pour changer le paradigme éducatif, l’a ce talent. Et puis l’Instant Présent a surtout été créé pour le public de parents relativement restreint ayant déscolarisé ou voulant déscolariser leurs enfants, voulant vivre autrement la maternité, la parentalité. Moi qui ne parlais que d’école j’étais un peu incongru.

L’Instant Présent c’était pratiquement une personne, Claudia Renau, ses moyens n’étaient pas ceux des maisons d’édition classiques. Victorine Meyers qui était aussi une cheville ouvrière avait créé de son côté une autre micromaison d’édition, « Myriadis », qui fusionna ensuite avec une autre microédition, « Le Hêtre ». Le Hêtre-Myriadis a un peu plus de moyens. Depuis, Claudia Renau est d’ailleurs devenue directrice de l’école démocratique de Paris.

Cette histoire n’aurait donc pu n’être qu’une expérience intéressante sans lendemain. MAIS, de façon tout à fait inattendue, elle me fit découvrir un monde que je ne connaissais pas, celui de l’alternative, et elle me propulsa dans une autre aventure.

Prochain épisode : L'alternative - épisodes précédents

Commentaires
V
Merci Bernard pour avoir retracé l'ambiance de cette rencontre :) On continue sur notre lancée, celle de faire découvrir, réagir afin que chacun puisse décider en étant informé de toutes les alternatives :) Tes ouvrages ne sont pas des ovnis, loin s'en faut et je me délecte à parler d'eux lors des salons ! Il faut de tout pour s'ouvrir au monde ;)<br /> <br /> Preuve en est avec notre nouveauté qui va paraitre justement en co-édition avec Le Hêtre Myriadis. <br /> <br /> Allez et pour l'anecdote, si Claudia est directrice de l'école démocratique, moi je suis à la direction financière de la Lab School (avec Marlène qui est directrice pédagogique d'ailleurs) :) alors que nous pratiqué l'instruction en famille ! La vie est un fleuve fait de nombreux méandres !
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C
Ah mais tout est très juste, ta mémoire est bonne ! <br /> <br /> Je voulais juste dire que j'avais lu ton premier livre dès sa sortie, bien avant que je sois dans l'édition, je ne m'imaginais pas la suite à ce moment-là ; -)<br /> <br /> (mon "en fait" n'est pas correct) (hihi, on reste dans le travail d'édition !)
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C
Merci Bernard pour ton récit ! En fait, j'avais lu dès 2002 ton premier livre "Une école du 3e type ou la pédagogie de la mouche", que j'avais découvert sur la liste de diffusion Freinet. Plus tard nous avons créé l'Instant présent avec Victorine Meyers (dont le travail est central dans la maison d'édition), Marlène Martin (qui traduit remarquablement) et Daliborka Milovanovic (qui a ensuite créé Le Hêtre-Myriadis) pour diffuser idées, témoignages et pratiques fondées sur la confiance faite aux enfants, d'abord en famille, puis à l'école avec la découverte de tes livres.<br /> <br /> Oui, quand je me permettais de ne pas être d'accord, c'était pour "défendre et d’affirmer ce que [tu] pensais" et parce que je connaissais les attentes de notre lectorat (et peut-être un peu par réflexe professionnel, je n'y avais pas pensé !).
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