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Le blog de Bernard Collot
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4 septembre 2022

1940-2021 (140) – 1995 à 1997 – Constitution d’une association européenne

ADELE_1

L’année suivante j’ai été à nouveau invité au Portugal par Rui D’Espiney pour la même raison, cette fois c’était à Sétubal la ville industrielle en face de Lisbonne de l’autre côté de l’estuaire du Tage, c’est là qu’était le siège d’ICE. Cette fois j’étais un voyageur un peu plus cool même si j’étais bien loin d’être devenu un globe-trotter… et puis je n’avais pas à prendre de taxi et j’avais un stock de kleenex !

Là-bas il y avait deux autres intervenants étrangers, Luis Araguás de la fédération des mouvements de rénovation pédagogique espagnols (1) et un Gallois, William, parlant tous deux français. Je n’ai jamais trop bien compris qui était ce Gallois, sauf qu’il était un intellectuel qui représentait une association pédagogique, qu’il bourlinguait dans le monde entier. Après la constitution d’ADELE, il disparut, il avait, parait-il, été nommé dans une institution gouvernementale galloise.

L’événement auquel nous devions participer n’était qu’un prétexte pour nous faire venir. Rui avait derrière la tête que l’on crée une association européenne de défense des petites écoles rurales vu que le problème concernait aussi d’autres pays. Tous les quatre nous avions donc cogité sur les possibilités que cela offrait et surtout sur les autres associations que nous pourrions convier à en faire partie.

De retour, je sollicitai donc d’abord et évidemment les CREPSC qui furent immédiatement partants, puis la FNER et l’ACEPP (Association des Collectifs Enfants, Parents et Professionnels) qui n’hésitèrent pas non plus un instant. J’expliquerai dans un prochain épisode pourquoi l’ACEPP qui fédérait les crèches parentales a été dès le début à nos côtés pour défendre et promouvoir les classes uniques.

Dans la même année, je retournai encore une fois à Sétubal pour que l’on fasse le point de la situation avec Rui, William et Luis, les frais étant pris en charge par ICE. Et puis ce fut au colloque d’Autrans où Rui et Luis étaient venus intervenir que furent concoctés les statuts de la future association européenne. Ce fut fait un après-midi du colloque entre eux, Christian Drevet et Frédéric Gautreau pour les CREPSC, Yves Jean pour la FNER et François Giret pour l’ACEPP. Ils eurent quelque mal à trouver le nom de la future organisation, vu que les mots n’ont pas exactement le même sens d’une langue à l’autre. C’est à Autrans que fut fixée la date et à Barcelone l’assemblée générale constitutive d’ADELE.

J’ai beaucoup aimé Sétubal, très industrielle, portuaire, pas du tout touristique bien qu’au bord du Tage. Rui nous amenait dans les bistrots du port où il était plus prudent de ne pas ya aller seuls pour manger les sardines à la portugaise. J’y ai encore constaté mon incapacité à me débrouiller seul en dehors des campagnes ou des bois du Poitou : le dernier jour, ce fut le Gallois William qui devait prendre un avion dans le même aéroport de Lisbonne que moi, qui m’y amena avec la voiture qu’il avait louée. Il ne comprenait pas le portugais, n’était encore jamais allé au Portugal, et pourtant, sans carte routière en passant par des échangeurs gigantesques, il arriva à l’aéroport comme s’il avait fait le trajet tous les jours. À ma question stupéfaite, « mais comment tu fais ? » il me répondit « C’est facile Bernard, toutes les infrastructures au monde sont conçues suivant la même logique ! » Je n’étais vraiment pas fait pour la mondialisation !

Septembre 1996, c’est donc à Lisbonne que se constitua l’ADELE. Encore une fois ce fut moi qui y allai pour les CREPSC. Peut-être parce que j’avais été au départ de l’aventure, mais surtout parce que j’avais la demi-décharge obtenue grâce à Christian Drevet ce qui me permettait de mobiliser plusieurs jours dont un ou deux jours de classe. Cette fois le voyage s’effectua en train de nuit avec Yves Jean et Françoise Giret. Heureusement Yves parlait couramment l’espagnol. Quelle plaie pour moi le handicap de la méconnaissance absolue des langues étrangères !

À Lisbonne, Rui et Luis avaient de leur côté rallié beaucoup d’autres associations portugaises et espagnoles intéressées ou parties prenantes de la défense d’une éducation de proximité et de la ruralité, d’autres s’étant invitées elles-mêmes. Parmi ces dernières il y en avait une plus ou moins affiliée à l’Opus Dei, qui aidait cependant avec beaucoup de moyens au développement rural. C’était absolument insupportable pour Luis et la fédération des mouvements de rénovation pédagogique qui étaient encore à se battre pour faire ôter les crucifix des salles de classes des écoles publiques. Nous, les Français, ne pouvions qu’être à leurs côtés. L’esclandre fut violent et la FMRP menaça de quitter la salle ce qui eut été la catastrophe puisqu’elle était avec ICE et nous à l’origine de cette assemblée constitutive. Ce fut Rui et son aura qui calma le jeu et les fit rester : «  Si vous voulez défendre une conviction que je partage aussi, alors vous ne devez pas avoir peur que d’autres aux croyances différentes participent à une œuvre commune. Si vous êtes forts, c’est même ainsi que vous pourrez entraîner ces autres dans vos propres idées que vous considérez comme justes. »  Et Luis et la FMRP restèrent. Cette interpellation de Rui est restée gravée dans ma mémoire.

Le soir et le lendemain les Catalans nous emmenèrent sur les étonnants Ramblas, l’avenue envahie la nuit par le peuple catalan (rien à voir avec nos Champs-Élysées !), manger des tapas dans un petit restaurant du port. Ils nous expliquaient la rage qu’ils avaient de l’inutilité de tous les aménagements qui avaient été réalisés et coûtés des sommes astronomiques pour des jeux olympiques l’année précédente, jeux dont aucun d’entre eux n’avait pu évidemment assister. Avis ! Chez nous c’est prévu pour Paris bientôt ! Pour faire reluire qui et quoi quand dans le même temps l'Etat nous prévient que l'on va devoir se serrer la ceinture?

Luis Araguás

Luis araguas

Luis Araguás était devenu un ami et à chaque voyage en voiture j’étais hébergé chez lui à Huescas à l’aller et au retour. Il m’a fait une fois revenir à Huescas pour participer à des journées pédagogiques organisées par le mouvement de rénovation pédagogique. Ce mouvement s’était créé à la fin de Franco pour assurer la formation des enseignants pratiquement inexistante, c’est pour cela d’ailleurs qu’il avait été toléré dans une Espagne très catholique. Ces journées de formations, si elles étaient sur le temps de loisir des enseignants comme chez nous pour les stages organisées par les mouvements pédagogiques, étaient par contre validées par l’Éducation nationale espagnole.

Cette fois j’y étais allé avec Dominique Couturier, une instite de la Charente qui parlait et comprenait l’espagnol. Malgré Dominique qui essayait de me traduire ce qui se disait dans les réunions, je n’y avais vraiment pas fait grand-chose en dehors que Luis pouvait citer dans leurs documents que des enseignants français y avaient participé. Pas d’importance, me disait Luis, pour une fois profites-en donc pour faire un peu de tourisme et découvrir la cuisine espagnole !

Comme Rui, Luis était un amoureux de la liberté, mais un peu plus conventionnel.

Prochain épisode : les classes uniques et les crepsc s'affichent dans un carnaval à la brésilienne ! épisodes précédents ou index de 1940-2021 – La lutte pour l’école ruraletous les épisodes  sur l’école et l’éducation

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