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Le blog de Bernard Collot
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9 février 2013

Et si l’affaire N. se résolvait par la raison ?

  Pour suivre l'ordre chronologique : 6 février, 7 février, 8 février, 9 février, 11 février, 13 février, 14 février, 15 février

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Ce qui a déclenché cette affaire, ce n’est finalement qu’une bourde de l’administration. Le motif invoqué pour demander puis interdire à N. de revenir dans sa classe, c’était « pour son bien » puis « pour le bien de l’école ». La façon la plus simple pour se débarrasser d’un problème (4 parents) sans penser aux conséquences pour celui qui sert à se débarrasser du problème, sans penser qu’il y avait d’autres parents. Faisons l’hypothèse que c’était avec toutes les bonnes intentions du monde, mais on sait que l’enfer est pavé de bonnes intentions. Le motif invoqué par le Directeur académique lorsqu’il a été interviewé par la radio régionale le vendredi a été « la sécurité des enfants » alors qu’il n’en avait jamais été question auparavant. Il fallait bien qu’il trouve une raison officielle et il devait penser que dès que l’on prononce « sécurité », plus personne n’ose contester ladite insécurité, même si on ne sait  pas ce qu’elle est. Bien embarrassant quand il n’y a aucun fait, aucun incident à se mettre sous la dent. Autrement dit, il n’est rien reproché à N. qui pourrait justifier les décisions prises, les menaces de sanctions… ce qui pourrait même être gênant devant un tribunal administratif.

Tout le monde fait des erreurs. Le problème c’est qu’une administration ne reconnaît jamais ses erreurs et préfère s’enferrer, tant pis pour les dégâts, peu importe l’absurdité. Ce n’est pas d’aujourd’hui et ce n’est pas propre à l’Education nationale. Kafka ou Courteline auraient pu s’en délecter. C’est presque le domaine de la psychosociologie ou de la psychanalyse sociale !

Contre cela il faut réagir, à toutes occasions, à cette occasion. Sans réactions, sans réactions massives, la machine administrative continuera à rouler en écrasant tout. Nous sommes l’opinion publique. Faisons-là nous même plutôt que les médias la fassent pour nous.

 Tous vos commentaires des précédents billets démontrent qu’au-delà du cas de N. c’est bien tout le problème de l’école qui apparaît dans une « petite affaire locale ». Et ils démontrent que la raison existe ailleurs que dans les sphères de pouvoirs. Paradoxalement, c’est réjouissant, sauf que N. ne peut s’en réjouir… au moins pour l’instant.

Son « affaire » qui est devenue « l’affaire de ses parents d’élèves » est révélatrice. D’abord que ces derniers (nous, vous !), quand ils en ont l’occasion ou quand un événement le provoque, sont capables de raison, sont capables de penser, de s’interroger et d’interroger, de s’exprimer… de s’élever comme citoyens. Ils donnent une leçon démocratique.

Ensuite elle a permis, au moins au niveau local (journal de Gien), de révéler qu’il existe plusieurs approches de l’école, de l’acte éducatif, que ce que l’on peut résumer en pédagogies actives existe, par ci, par là, et que des parents et des enfants en sont satisfaits. Aussi surprenant que cela soit-il, tout le monde l’ignore ! On connaît tout sur les énergies, les médecines, la high-tech… rien sur l’école. Lorsque l’on devient parent d’un enfant allant à l’école (l’élève est lui celui de son prof !), on ne sait rien sur l’école. Nous  (nous parce que je suis parent d’élève !) n’avons dans les oreilles ou sous les yeux que les polémiques qui fustigent les soi disant pédagogies modernes en se gardant bien de dire ce qu’elles sont, où elles existent, ce qu’en disent ceux qui peuvent en profiter. Il y aura au moins le secteur de diffusion du journal de Gien (à paraître) qui sera informé… grâce à N. !

Evidemment, qui devrait informer qu’il n’y a pas qu’une approche possible de l’école et des apprentissages, même sans trancher sur ce qui est la bonne ? l’Education nationale, bien sûr ! Mais elle se garde bien de le faire. Pourquoi ? Parce qu’alors il faudrait qu’elle propose un choix à tous les parents ! Parce qu’alors elle ne pourrait pas évaluer uniformément ! Parce que cela remettrait en cause la chaîne industrielle scolaire ! Parce qu’elle ne pourrait plus gérer mathématiquement les cartes scolaires ! Parce qu’il faudrait… qu’elle se refonde elle-même !

 Alors N. offre une occasion unique à son inspection académique d’innover (en même temps qu’une porte de sortie !). Elle sait que dans ce RPI il y a une classe où des pratiques différentes ont lieu. Elle sait maintenant ( !) que des parents apprécient et d’autres non. Le contraire d’ailleurs serait anormal.. Quoi de plus facile que, dans ce RPI, il y ait officiellement une classe ou une école en pédagogie différente, d’autres classes en pédagogie traditionnelle. Les parents ont alors le choix, les enfants ne font que descendre à un autre endroit des cars de ramassage ! Tout le monde est satisfait, les 4 parents ne sont même plus stigmatisés, N. retrouve sa place et peut poursuivre son travail, l’administration fait preuve d’intelligence et d’écoute et, cerise sur le gâteau, peut même se prévaloir d’être innovante en une période où son ministère lance cet appel. Et la paix est retrouvée, on peut même penser que les dynamiques locales et citoyennes auront été enrichies.

C’est trop simple ?

Pour suivre l'ordre chronologique : 6 février, 7 février, 8 février, 9 février, 11 février, 13 février, 14 février, 15 février

 

                     

                                    

 

 

Commentaires
I
Retraité, j'ai été IEN moi aussi. Par chance, les IA-DSDEN successifs ont respecté mes approches, mes actions – même sans toujours bien les comprendre. Mais, à l'évidence, depuis l'ère De Robien, l'évolution du système tend vers une « caporalisation » inquiétante en cascade des recteurs, des DASEN, des IEN, des enseignants (voire des écoliers ;-)) (1). Heureusement, le plus souvent, la femme, l'homme qui incarne sa fonction a conservé sa conscience, ses valeurs, sa raison pour interpréter ses missions, si bien que la caporalisation institutionnelle ne débouche pas nécessairement sur une caporalisation effective. <br /> <br /> <br /> <br /> Dans le cas de Nicolas R., le blog de Bernard Collot nous renseigne à partir du seul point de vue (et c'est tout à fait normal) de l'enseignant et de la majorité des parents. Ce n'est pas mince, bien sûr..., mais pas exhaustif pour autant.<br /> <br /> Or l'expérience m'a montré que les explosions brutales de telles situations s'inscrivent dans un contexte local, une histoire particulière, une complexité (comme dans une classe, d'ailleurs, et surtout une classe qui veut s'inspirer du « troisième type »). Si la communication minimaliste de l'institution est parfois le signe d'un manque de courage ou de loyauté, c'est au contraire la plupart du temps une marque appréciable de loyauté à l'égard des personnes concernées, contrairement à ce que beaucoup d'enseignants croient (dont moi-même avant d'être IEN). En effet, mettre sur la place publique la complexité d'une situation est techniquement difficile mais surtout trop dangereux, dans la mesure où les médias ont tendance à vouloir la « simplifier » : les raccourcis peuvent alors être dévastateurs. Ce devoir de réserve de l'institution est donc un bon signe, à mon avis, car la conclusion de telles « affaires » est toujours une sortie de crise intelligente, constructive, dépassionnée, respectueuse des personnes et de la complexité des choses.<br /> <br /> Compte tenu de la bonne réputation de l'IEN de circonscription et de celle du DASEN, je me plais à penser que c'est cette voie positive qui sera choisie.<br /> <br /> Vigilance certes, mais confiance aussi. Au fait, le ministre ne vient-il pas lui-même de vanter la nécessité d'un climat de confiance, à tous les niveaux ?<br /> <br /> <br /> <br /> (1) Cf. l'excellent ouvrage (prémonitoire) « Du taylorisme scolaire à un système éducatif vivant » d'une certain... Bernard Collot, et de Christian Drevet, Philippe Lamy, Laurent Ott et Philippe Ruelen.
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C
En somme vous nous faites sortir du bocal ! (billet du début février)<br /> <br /> je sors aussi, j'écris au ministre et à l'adacémie du Loiret !
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P
Un simple commentaire ; Bravo à Bernard de porter la parole de la défense de Nicolas et de faire connaître ce fait trop fréquent. Les conséquences morales risquent d'être lourdes et Nicolas a besoin de sentir du soutien autour de lui. L'administration éducation nationale a l'art de briser les bonnes volontés, celles dont les têtes ne se tournent pas dans la bonne direction du moment, et d'ignorer la dimension humaine et les risques pour l'individu. Quand il s'agit d'agir contre les véritables déviations ou contre le ''je m'enfoutisme'', là il n'y a plus de prise, plus de pouvoir à exercer, qu'une pauvre impuissance que l'on compense ailleurs. Fragile est l'enseignant qui cherche une vaine reconnaissance de son travail, pauvre paye de ses efforts.Fragile et bon gibier?<br /> <br /> Nicolas, courage et bienvenue au club! Résiste!<br /> <br /> Le problème est la défiance créée au sein de la profession par ces débordements d'autoritarisme maladroit. Mais n'est ce pas une conséquence de la nouvelle orientation de la formation de nos inspecteurs, du manque de connaissance pédagogique, d'un discours antipédagogique et sécuritaire???
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I
je suis un IEN ! Une hyène comme on nous appelle. Ah ! Je reconnais, je ne suis pas très courageux. Je me contente dans ce que je dois appliquer et exécuter, d'être le plus bienveillant possible, le plus "cool" possible. Je crois que les enseignants de ma circo m'aiment bien, je ne suis pas sûr qu'ils m'estiment bien.<br /> <br /> Mais ce que je voulais dire, c'est que je suis assez admiratif de la façon dont Bernard Collot (que je ne connais pas) décortique la machinerie administrative. Je suis persuadé que ce dont il se doute, à savoir que l'inspecteur de Nicolas a agi sur ordre, est vrai. Je suis certain qu'il doit être très mal. Tout au moins, moi je le serais. Certes, certains de mes collègues qui se sentent en phase avec leur propre hiérarchie en rajoutent. Mais il faut bien comprendre que nous ne sommes que les rouages d'une machine. Nous ne sommes pas grand chose d'autre que des exécutants intermédiaires. Les enseignants ont beaucoup plus de liberté que nous, même si certains d'entre nous essaient de brider cette liberté.<br /> <br /> Je suis bientôt à la retraite. Je ne regretterais pas de quitter cette fonction ! Je sais bien ce que vous allez me dire : pourquoi ne l'avez-vous pas fait avant ? Pas facile d'être un héros ! Mais je ne ferai pas comme certains qui, après, s'habillent en héros.<br /> <br /> Je ne peux qu'encourager ceux qui comme Bernard Collot, Nicolas et bien d'autres n'ont cessé de faire ce que je n'ai pas osé faire.
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